Heureusement que les Catherine ont marqué l’Histoire ! La Grande Catherine (II de Russie) a conquis les territoires de la mer Noire où l’on cultive du thé, et le péché mignon de l’infante du Portugal a été une étincelle cruciale de l’adoption du thé en Europe de l’Ouest… Mais quelle a été son influence réelle ?
Catherine de Bragance (1638-1705), infante du Portugal, épousa en 1662 Charles II d’Angleterre (réputé pour être un peu fou) et apporta en dot Tanger et Bombay ; en échange, l’Angleterre combattrait l’Espagne aux côtés du Portugal.
Le thé était déjà connu au Portugal depuis la fin du XVIème siècle à travers les échanges avec la cour de Pékin et les commerçants asiatiques, c’est pourquoi on attribue à la reine d’avoir instauré l’habitude de boire du thé au sein de sa Cour adoptive. Pour son anniversaire (le 25 novembre), un poème a même été composé à sa gloire et à celle du thé par Edmund Warren, semble-t-il en 1683*.
Vénus a son myrte, Phoebus ses lauriers – Le thé les surpasse, qu’Elle juge digne de louer. La meilleure des Reines et la meilleure des herbes, nous les devons A cette vaillante nation qui montra le chemin Vers ce pays généreux où le soleil se lève, Dont nous prisons à juste titre les riches produits. Ami de la Muse, le thé favorise l‘inspiration, Réprime ces vapeurs qui envahissent l’esprit, Et préserve la sérénité du temple de l’âme, Parfait pour honorer l’anniversaire de la Reine. |
Venus her myrtle, Phoebus has his bays; Tea both excels, which she vouchsafes to praise. The best of Queens, and best of herbs, we owe To that bold nation which the way did show To the fair region where the sun does rise, Whose rich productions we so justly prize. The Muse’s friend, tea does our fancy aid, Repress those vapours which the head invade, And keeps that palace of the soul serene, Fit on her birth-day to salute the Queen. |
En le comparant à la myrte et au laurier, le poète place le thé dans la catégorie des plantes médicinales. Sa pratique correspond à l’usage bien établi des décoctions de plantes, et l’aptitude du thé à éclaircir les idées devait rendre de fiers services à un Charles II parfois troublé… Il serait donc vraisemblable que la Cour ait adopté l’usage du thé pour s’assurer une bonne santé tout autant que pour émuler une reine étrangère, catholique, et très réservée. Ce n’est pas un hasard que ce poème apparaisse 20 ans plus tard : l’âge ayant sorti Catherine des jalousies féminines (le roi avait beaucoup de maîtresses), elle influence peu à peu la culture de Cour.
Sa terre natale du Portugal fournissait toute l’Europe en sucre brésilien depuis le début du 17ème siècle, denrée essentielle pour adoucir les boissons exotiques (thé, café, chocolat) et que les Anglais aisés adoraient ajouter partout en grande quantité. A tel point que la culture de la canne fut l’objet des premières colonies (La Barbade, la Jamaïque) : quand Charles II épouse Catherine, l’Angleterre exporte deux fois plus de sucre qu’elle n’en importe. Cinq ans auparavant, le roi avait reconduit la charte de la Compagnie des Indes Orientales…
*L’édition des poèmes d’Edmund Warren que utilisée place « Of Tea » entre deux autres pièces de 1683, d’où la conclusion. D’autres éditions ont fait des choix différents, mais sans préciser de date non plus.